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Colloque international : Diversité linguistique et culturelle, appropriations, réceptions

Colloque organisé par L’équipe PREFics-DYNADIV (E.A. 4246) Université François Rabelais de Tours

 

 

Diversité linguistique et culturelle, appropriations, réceptions

Francophonies, formations à distance, migrances

Réflexions épistémologiques et interventions


TOURS, 9-10 juin 2016

 Avec les soutiensen particulier de

 


Argumentaire

Différentes réflexions interrogeant les bases des sciences humaines et sociales (SHS) distinguent au moins deux courants [1] à partir et autour desquels s’instaurent les grandes lignes des orientations principales qui fondent les recherches en SHS (voir notamment les travaux de G. Gusdorf ou G. Steiner). Ces courants se définissent, se partagent, entrent en contradiction, en fonction de choix épistémologiques centrés d’un côté sur des options cartésiennes, rationalistes, utilitaires et, de l’autre, sur une ontologie phénoménologique-herméneutique qui considère que le rationalisme ne peut apparaître que parce que, de manière sous-jacente, un rapport poétique (poïétique) a fait apparaître un monde, qui peut ensuite faire l’objet d’une mise en ordre rationnelle.

Dans cette répartition en deux courants principaux, la question de ce qui sous-tend les langues, langages, discours, paroles etc. (abrégés en L) est cruciale. Lorsque le rationnel est privilégié, ce qui est le cas dans les SHS soutenues par la philosophie pragmato-cybernétique [2] ou analytique [3] et les courants influencés par L. Wittgenstein, on postule que tout ce qui est humain est sous-tendu par des signes, ou réductible à des signes, et donc socialement accessible, d’une manière ou d’une autre, dans une forme d’universalisme. Du côté où est privilégiée une conception du rapport au monde comme « antéprédicatif », « anté-rationnel », on considère que le sensible sous-tend le rationnel et le rend possible, ce qui signifie donc que les SHS ne peuvent pas reposer uniquement sur les signes et le L. Une partie de ce qui est humain, donc de ce qui concerne les SHS ne peut que se « comprendre », sans que de quelconques supports signifiants puissent en servir l’objectivation. Si ce « comprendre » doit se partager, cela ne peut se faire qu’avec des usages poétiques du L, le sens passant « à travers » le L (et non pas « au moyen » du L, comme « véhicule » ou « outil »).

Cela implique donc, dans chacun des cas, un rapport différent au monde, aux langues, à l’altérité et à la diversité – notamment linguistique et culturelle –, à la fois comme moyen de la recherche et de mise en débat de celle-ci. Cela se lit donc aussi au travers des choix d’écritures de recherche, en cohérence avec ces positionnements qui se traduisent différemment dans les mises en œuvre et les mises en scène, les créations et les places faites à l’art, la littérature. Et plus largement cette dimension première de l’écriture n’est pas sans rappeler aussi la place faite à la qualitativité dans les recherches (ses définitions et les implications notamment du point de vue institutionnel : évaluation des articles, des chercheurs).

L’objectif principal de ce colloque sera, à partir de questionnements en sociolinguistique et en didactologie-didactique des langues (plus particulièrement du/des français), de mettre en débat des réflexions issues de ces deux tendances sans en privilégier une plutôt que d’autres, mais en posant la question des choix épistémologiques qui les sous-tendent et des raisons de ces choix qui ne peuvent être uniquement « scientifiques », mais qui sont aussi éthiques, politiques et liées à des manières différentes d’envisager l’intervention des chercheurs dans le champ social. Il s’agira donc d’argumenter sur les façons dont ces options épistémologiques-éthiques-politiques problématisent respectivement les questions liées à la diversité linguistique et culturelle, en particulier du point de vue des modalités de réception et d’appropriation en jeu, en la matière. Les « terrains » des francophonies, des formations à distance qui interrogent également les distances en formation (cf. programme FaDA : CQFD [4]), des migrances, ainsi que les implications épistémologiques et interventionnistes, incluant la problématique des écritures / mises en forme / mises en scène des recherches seront plus particulièrement convoqués, sans exclure d’autres situations intéressant directement les recherches liées aux langues en SHS.

Les principales questions qui seront abordées et discutées s’appuient sur des visions contrastées des notions mêmes de « langue », de « culture », de « diversité », d’« appropriation », etc., et débouchent possiblement sur d’autres mises en perspective quant aux notions de « variation », « interaction », « distance », « terrain », « contexte », « histoire », par exemple, qui se colorent et se problématisent différemment selon les choix épistémologiques adoptés. Ces questions sont principalement les suivantes :

  • Questions liées à la diversité des francophonies et de la « diffusion » « des » français et de « leur » enseignement, en s’interrogeant prioritairement sur les appropriations en jeu : si la francophonie est diverse, et à ce titre serait donc une sorte de creuset intéressant les diversités linguistiques et culturelles, les appropriations sociolinguistiques, didactiques sont tout aussi diverses. Quelles orientations les travaux en sociolinguistique (notamment en créolistique, africanistique, parlers (de) jeunes), en acquisition, en didactique des langues (DDL), proposent-ils de ces phénomènes, sachant que se rencontrent dans ces espaces francophones diverses traditions de recherche [5] ? Quelles compréhensions de « francophonie » en déduire ? Sur quelles conceptions de la diversité s’appuient-elles et quelles en sont les conséquences ? Face à une logique de diffusion, quelles sont les dynamiques et les enjeux liés à la réception ?

    Ce faisant, l’instauration des « langues » est à interroger, en particulier depuis le « français dans l’espace francophone » (Robillard et Beniamino, éds, 1993 et 1996) : comment des rapports de force entre individus et groupes provoquent-ils la promotion de certaines modalités comme formes dominantes, implicitement ou explicitement (langues standard par exemple, ou idiolectes, ou formes genrées, etc.) ? Les langues relèvent-elles davantage d’expériences que de systèmes ou de pratiques et représentations ? Comment le sens s’instaure-t-il avec / contre /sans / à travers elles ? Quels rapports avec les cultures / interculturels ? Il s’agira en particulier de questionner la composante sociolinguistique dans l’instauration de sens, et les manières dont elle est interprétée par les recherches, notamment celles mobilisant les corpus et les analyses de discours.

  • Questions liées aux diverses manières d’appréhender les formes de distance dans l’apprentissage, l’enseignement et la formation, particulièrement en FOAD (formation ouverte à distance), champ où s’exprime nombre de problématisations à partir de divers secteurs disciplinaires : quelles places sont accordées à la technique, au progrès, à l’innovation, à l’efficacité et, en contrepoint, quels rôles sont attribués à l’histoire, à l’altérité, à l’expérience, à la relation ? Dans une « didactique du distanciel », quelles problématisations prenant en compte diverses modalités de distance peuvent être proposées ? Cette perspective invite également à réfléchir à certains allants de soi (qui peuvent devenir « doxiques »), concernant les rôles de l’(inter)action, des dispositifs, de l’évaluation, de la contextualisation, etc. et ce faisant à interroger en retour le présentiel.

    Au-delà de la FOAD, il s’agit, plus largement, de questionner en SHS des situations au sein desquelles les « distance(s) » / « temporalité(s) » semblent orienter leurs compréhensions, et sont redevables d’enjeux, notamment épistémologiques et interventionnistes. C’est le cas par exemple de diverses productions électroniques, considérées sous l’angle des problématisations francophones et/ou migratoires. Ainsi à l’heure où une certaine prégnance des corpus numériques (Debono, éd., 2014) se fait sentir, il convient d’interroger d’autant plus les manières d’envisager la recherche, dans leurs conséquences.

  • Questions linguistico-culturelles liées aux phénomènes de migrance [6], en lien avec la problématique « intégrative » : il s’agira d’explorer sous différents angles les façons dont sont conçus l’accueil et l’intégration, par les différents acteurs concernés, afin d’interroger ce qui est considéré comme facilitant ou inhibant différentes formes « d’accommodations » (plus ou moins) réciproques. Parmi les questions qui pourront être abordées : qui considère-t-on comme « migrant » et dans quelle mesure cela conduit-il à des catégorisations plus ou moins justifiées et pertinentes, tant d’un point de vue de politique linguistique que de didactique des langues (littératies professionnelles/universitaires, « français langue d’intégration »/ « français sur objectifs universitaires », etc.) ? Quels liens entre la question du « devoir de langue » (et, corrélativement, du « droit à la langue ») et la prise en compte des expériences de pluralité linguistique (notamment en situations de migrances francophones) ? Quels liens entre formations linguistiques et/ou culturelles et appropriation d’un projet (plus ou moins) commun d’intégration, au regard de quelles articulations entre langue(s) et insertion(s) ?


Ces questions, susceptibles d’entrer en écho les unes avec les autres (par exemple, quelles insertions des personnes en migrance dans les formations universitaires, quelles conceptions des formations redevables d’une francophonie distancielle (universitaire) ? etc.), interpellent le double regard, à la fois épistémologique et interventionniste, porté sur elles. Ce double regard peut également être travaillé sous l’angle des manières d’envisager son travail de chercheur « produisant » des textes, à destination de divers publics, et dont les écritures, diverses, sont lisibles en termes de choix épistémologiques d’une part et interventionnistes de l’autre.


Modalités de travail
Le colloque fera alterner : ·des ateliers regroupant des communications proposées de façon individuelle ou collective (sous le format d’un panel réunissant 3 communications) autour d’une thématique commune ou en débat) et, des séances plénières de débat à partir de communications sélectionnées (parmi les propositions de communication) ou sur invitation.

Les propositions de communication comporteront, dans un fichier au format Word ou Open Office (3000 signes maximum espaces inclus) :

  • titre
  • nom et prénom de l’auteur / des auteurs
  • mots-clés (5 maximum)
  • résumé
  • références bibliographiques essentielles (8 maximum)

Langues 

Au choix, dans la mesure où l’intervenant peut utiliser une langue à l’oral et une autre pour d’éventuels supports écrits adjuvants, de telle sorte que le français soit présent dans l’un ou l’autre cas ; ou s’il fait intervenir l’un des participants au colloque pour une traduction simultanée vers le français.


Calendrier actualisé
Les textes finaux soumis pour publication (avec sélection du CS) devront être remis au plus tard le 30 octobre 2016.

Frais d’inscription
  • plein tarif : 60 €
  • tarif réduit (doctorants, étudiants et inscrits à Pôle Emploi ) : 20 €
    • [- restaurant : 35 € le 8 juin  au soir]
=> formulaire d'inscription avec règlement par chèque ou bon de commande
=> Formulaire d'inscription avec règlement par CB (bientôt disponible)

Accès
Venir en train à l'Université François Rabelais - Site Tanneurs


COMITÉ D’ORGANISATION

  • Responsables :

Isabelle Pierozak, Marc Debono, Valentin Feussi, Emmanuelle Huver

  • Liste des membres :

Sandra Belondo, Véronique Castellotti, Dominique Charbonneau, Christine Climent, Léa Courtaud, Sylvie Dardaillon, Dominique Doustin, Claudia Ximena Gutiérrez Romero, Alain Koenig, Catherine Kosiada, Michèle Levacic, Joanna Lorilleux, Eric Mercier, Céline Peigné, Corinne Raynal-Astier, Didier de Robillard, Clémentine Rubio, Marie Laure Tending.

  • Secrétariat : Christine Climent

 

COMITÉ SCIENTIFIQUE (En cours de constitution)

  • Présidents :
V. Castellotti et D. de Robillard

  • Liste des membres :
- Michel Beniamino, Université de Limoges, France
- Jacques Béziat, Université de Limoges, France
- Henri Besse, Ecole normale supérieure de Lyon, France

- Abdelali Becetti, ENS Bouzareah, Alger, Algérie
- Marie-Madeleine Bertucci, Université de Cergy-Pontoise, France
- Annette Boudreau, Université de Moncton, Canada
- Véronique Castellotti, Université François Rabelais, Tours, France
- Daniel Coste, Ecole Normale Supérieure de Lyon, France
- Marc Debono, Université François Rabelais, Tours, France
- Jürgen Erfurt, Goethe Universität, Frankfurt/Main, Allemagne
- Valentin Feussi, Université François Rabelais, Tours, France
- Gilles Forlot, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris, France
- Jean-Marc Houpert, Université François Rabelais, Tours, France
- Emmanuelle Huver, Université François Rabelais, Tours, France
- Julien Kilanga Musinde, Université d’Angers, France
- Estela Klett, Université de Buenos Aires, Argentine
- Fabienne Leconte, Université de Rouen, France
- Chiara Molinari, Università degli Studi di Milano, Italie
- Danièle Moore, Université Simon Fraser, Vancouver, Canada
- Jean-Marc Moura, Université de Paris 10, France
- Isabelle Pierozak, Université François Rabelais, Tours, France
- Didier de Robillard, Université François Rabelais, Tours, France
- Dominique-Jean Soulas de Russel, Université Eberhrad-Karl de Tübingen, Allemagne
- Valérie Spaëth, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, France
- Rada Tirvassen, Université de Pretoria, Afrique du Sud
- Daniel Véronique, Université d’Aix-Marseille, France
- Monica Vlad, Universitatea Ovidius, Constanta, Roumanie


 

[1] Chez Fortin et Houssa (2012) trois courants sont distingués, mais les critères sous-jacents demeurent sensiblement les mêmes, et c’est ce qui importe ici.

[2] Mot-valise utilisé ici pour rappeler le partage de certaines options fondamentales par Ch. S. Peirce et G.-H. Mead d’une part, et N. Wiener de l’autre.

[3] Babich (La fin de la pensée, 2012) apporte un éclairage critique important sur les implications du« soutien » que la philosophie analytique apporte à la science et aux SHS.

[4] FAire du Distanciel un Atout : Constructions Qualitatives du Formatif Distanciel (projet régional, 2013-2016).

[5] A une base de sciences humaines fortement colorées par les traditions des SHS françaises et / ou francophones (F. de Saussure, Cl. Levi-Strauss, E. Durkheim…) se sont rajoutées les traditions anglo-américaines (D. Hymes, H. Garfinkel, G.-H. Mead, J.-L. Austin, B. Malinowsky…), sans cependant, lors de la réception de ces courants dans l’espace francophone (Pudal, 2012) que soient bien mesurées les différences entre les soubassements épistémologiques et philosophiques de ces traditions, fortement colorées par des traditions nationales. Ces riches traditions se sont souvent vues réduites, de ce fait, à de simples apports méthodologiques, greffés sur des traditions épistémologiques tout autres (Robillard & Blanchet, éds. 2012).

[6] Terme référant à différentes situations et/ou expériences de déplacement / mobilité / migration / passage de frontières, etc., dans l’idée d’envisager hyperonymiquement des phénomènes usuellement traités de manière distincte (ici/ailleurs, pays d’origine / pays d’accueil, migrants économiques / académiques / politiques ; identité / altérité, etc.), en considérant non seulement les aspects géo-linguistico-culturels liés au déplacement, mais aussi les enjeux identitaires, altérisants, ontologiques.